La maison d’Émile Zola à Médan baptisée par l’auteur de « cabane à lapins » a aujourd’hui fière allure. Elle n’a plus rien de comparable à la vétuste maisonnette acquise grâce au succès et à la vente de son dernier roman L’Assommoir. Calliopée vous y emmène. C’est le 28 mai 1878 qu’Émile Zola a fait l’acquisition de cette maisonnette vétuste pour laquelle il eut un coud de cœur. Son entourage ne compris pas cet achat. Dans une lettre envoyée par Guy de Maupassant à Flaubert, on pouvait lire les cancaneries sur cette maison à qui il ne donnait pas longtemps avant qu’elle ne s’effondre. La bicoque plut à Zola car elle était isolée et accolée à la voie ferrée. C’était pour lui le terrain propice au labeur littéraire. Et pour la première fois de sa vie, il pouvait payer comptant ! Le 4 juillet 1870, Alexandrine et Emile Zola, emménageaient dans leur nouvelle demeure de Médan.
Les soirées de Médan
Le groupe d’écrivains de l’école naturaliste entoura Emile Zola quand survint le succès de l’Assommoir. Parmi eux on pouvait compter Guy de Maupassant, Joris-Karl Huysmans, Paul Alexis, Henry Céard, Henry Hennique. En 1878, parurent les fameuses Soirées de Médan, un recueil de nouvelles signées de cinq disciples naturalistes et de Zola lui-même. La publicité de l’opuscule donnera à Médan la destinée littéraire qu’on lui connaît. Elle marquera également l’ascension et l’apogée de ce mouvement.
Les dédales de la maison de Médan
La maison à l’origine, ne possédait qu’un étage et ne comptait que quatre pièces : deux au rez-de-chaussée, et deux au-dessus. S’y sentant à l’étroit, les Zola font agrandir leur espace. « J’ai eu la tocade de faire bâtir… Je surveille mes ouvriers. C’est moi qui suis l’architecte ! » Écrit-il à Edmond de Goncourt. Les deux tours asymétriques sont impressionnantes. L’une est hexagonale sur la gauche et l’autre plutôt carrée sur la droite toutes deux encadrent un petit bâtiment rectangulaire. Cette fameuse « cabane à lapin » dans laquelle s’installèrent Emilie et Alexandrine en 1878. La première fut baptisée Nana car elle bénéficia des droits d’auteur du roman éponyme.
La Bibeloterie du Cabinet de travail
« Aujourd’hui, le ménage Daudet, le ménage Charpentier et moi, nous allons passer la journée chez Zola à Médan. […] C’est fou, absurde, déraisonnable, cette propriété qui lui coûte maintenant plus de 200 000 francs ., et qui est subordonnée à l’acquisition primitive de 7 000 francs. On monte par un escalier qui est une échelle de moulin, et il faut presque un saut horizontal, comme dans les pantomimes de Debureau, pour rentrer dans les water-closets, qui ont une porte de buffet. Le cabinet de travail est, par exemple, très bien. Il a la hauteur, la grandeur, mais est très abîmé par une bibeloterie infecte. Des hommes d’armes, toute une défroque romantique, au milieu de laquelle, se lit sur la cheminée, la devise de Balzac : Nulla dies sina liena, et l’on voit dans un coin un orgue–mélodium, avec voix d’anges, dont l’auteur de l’Assommoir tire des accords à la tombée de la nuit. […] On déjeune gaiment [sic] et l’on va, après déjeuner, dans l’île, où il fait bâtir un chalet, auquel travaillent encore les peintres et qui contient une grande pièce tout en sapin, au monumental, poêle en faïence d’une belle simplicité et d’un grand goût. »
Edmond et Jules de Goncourt, journal, lundi 20 juin 1881.
Le style Zola
Vous l’aurez deviné, cette maison est devenue selon le style Zola sans style !
Dans l’incommensurable salon-billard, le moyen-âge voisine avec le romantisme exacerbé tandis que la Renaissance tutoie le XIXè et la religiosité qui doit souffrir de quelques abandons blasphématoires. Le sol est carrelé de mosaïques orientalistes alors que le plafond est fait de poutres apparentes XVIIè ou apparaissent les armes de Paris et d’Aix en Provence ou naquit Zola, de Corfou pour rendre hommage à sa grand-mère paternelle et de Venise, ville natale de son père. Bref! Nous pourrions pièce après pièce vous décrire le style Zola. Lui qui ne voulait pas être riche, ni bourgeois et qui aimait dire qu’il était socialiste, vivait dans cette maison aux dépenses somptueuses entouré de son personnel de maison. À la mort de Zola en 1902, la maison fut vendue mais non sans difficultés. Pendant 60 ans, l’immense logement fut transformé en sanatorium. Un lazaret fut ajouté et est devenu aujourd’hui le musée Alfred Dreyfus. Quelle surprenante vie que celle de Zola ! Il faut visiter cette maison pour se rendre compte de qui était Zola, sans jamais essayé de le comprendre.