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Paul Gauguin, œuvre testament: « D’où venons-nous? Qui sommes-nous? Où allons-nous? »

Paul Gauguin, D'où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Œuvre testament, blog de Calliopée - Art & Culture

Paul Gauguin, son œuvre testament, désignée comme telle par l’artiste: « D’où venons-nous? Qui sommes-nous? Où allons-nous? » est l’œuvre que j’ai choisie de partager avec vous dans cet article.

Quelques mots sur la vie de Paul Gauguin avant d’aborder la lecture de son œuvre testament.

Avant d’être un artiste, Paul Gauguin a occupé plusieurs fonctions.
Dés 1865, il s’engage dans la marine marchande.
La destination est Rio de Janeiro. Le navire passe par le détroit de Magellan, va à Port-Famine, puis se dirige vers Panama, les îles polynésiennes et l’Inde. Paul Gauguin a hérité de son père, le gout des voyages. Ce dernier travaillait au National, l’organe du Parti Radical. Et, pour échapper à la répression du Parti de l’ordre, il gagne le Pérou avec sa famille. Mais il décède lors de ce voyage.

En 1870 la guerre franco-prussienne éclate. Il n’est donc plus question de voyager, mais de gagner sa vie. Grâce à son tuteur Gustave Arosa, désigné comme tel par la mère du peintre à sa mort, Gauguin trouvera chez Bertin, un agent de change, un emploi qu’il gardera jusqu’au krach de 1882.

Ses débuts en tant qu’artiste

C’est auprès de Gustave Arosa qu’il va s’initier à la peinture. Celui-ci possédait une importante collection d’art, incluant des oeuvres d’Eugène Delacroix. Sous son influence, Paul Gauguin allait devenir lui-même peintre amateur, puis collectionneur, achetant des oeuvres d’impressionnistes. Chez les Arrosa, il rencontre Pissarro, qui va l’initier au paysage impressionniste et lui communiquer le sens de la composition picturale. Jusque vers 1883, sa peinture restera très proche de celle de son mentor, Pissarro. Il devra à l’impressionnisme son sens de la lumière de plein air, la luminosité de ses couleurs, et son indépendance à l’égard des conventions.

En 1886, Gauguin participa à la huitième et dernière exposition des Impressionnistes. C’est aussi la dernière année du groupe des impressionnistes, qui va, encore davantage, éclater dans différentes directions, que l’on regroupera sous le vocable post-impressionnisme.

Ainsi née une nouvelle tendance artistique, le Symbolisme, exposée dans le manifeste du poète Jean Moréas. Celle-ci s’oppose à l’Impressionnisme en prônant la peinture du caractère propre du sujet, qu’il symbolise, au moyen de traits essentiels. Malgré la rupture de l’été 1888 avec l’impressionnisme, il est des admirations que Paul Gauguin ne reniera jamais: Pissarro, Degas et Cézanne.

Pau Gauguin fuit la modernité qui s’installe à Paris.

En juillet 1886, Paul Gauguin effectue un premier séjour en Bretagne. Il s’installe pour trois mois à la pension Le Gloanec, à Pont-Aven, un village de pêcheurs où vit une colonie d’artistes. Il y rencontre le très jeune peintre et écrivain Emile Bernard (1868-1941), tenant du cloisonnisme une technique picturale cernant chaque plan de couleur d’une fine cloison, un peu à la manière de la technique du vitrail.

C’est à Pont-Aven, que Paul Gauguin renonce à l’impressionnisme pour élaborer, influencé par le peintre Emile Bernard et par le courant symboliste, une nouvelle théorie picturale, le Synthétisme. Sa recherche allait dans le sens d’une simplification des formes, il élimine les détails pour ne garder que la forme essentielle, simplification obtenue par l’usage du cerne et de l’aplat de couleur.

Après ce petit aperçu sur la vie de Paul Gauguin, passons maintenant à la lecture de son œuvre testament: D’où venons-nous? Qui sommes-nous? Où allons-nous?

Il est dépressif, esseulé, atteint par la détresse matérielle, à Hiva Oa, une des îles Marquises, quand il apprend le décès de sa fille.
Il décide d’en finir avec la vie et avale une poudre qu’il qualifiera plus tard de cyanure. Paul Gauguin est homme d’excès, la dose de ce prétendu cyanure est telle qu’il ne meurt pas. Cependant, il lui en coutera un mal d’estomac qu’il gardera le reste de ses jours. À la suite de cette ingestion, et reprenant ses esprits, il peint cette œuvre d’art sublime. Paul Gauguin déclarera que cette oeuvre est son « testament ».

Paul Gauguin dira: « J’ai voulu avant de mourir peindre une grande toile que j’avais en tête, et, durant tout un mois, j’ai travaillé jour et nuit dans une fièvre inouïe. Cette grande toile en tant qu’exécution est très imparfaite. Elle a été faite en un mois sans aucune préparation et étude préalable : je voulais mourir et dans cet état de désespoir, je l’ai peinte d’un seul jet. »

L’œuvre se lit de droite à gauche:

À droite et en bas

Un bébé est endormi sur le dos. Il dirige ses jambes dodues vers le spectateur et les deux femmes tandis que son visage s’en détourne. Il regarde vers la droite où l’on voit un chien assis en marge du tableau, puis trois femmes accroupies.

Paul Gauguin emprunte les poses du couple féminin sur la droite de l’œuvre à celles des disciples de Bouddha dans cette même série de reliefs de Borobudur qui avait inspiré Gauguin dès la fin des années 1880. Un pagne revêt l’une des deux femmes. Elle le retient délicatement de sa main gauche, dans un geste tout ensemble de pudeur et de provocation. La seconde est vêtue d’un chemisier et d’un paréo.

reliefs de Borobudur, Paul Gauguin, oeuvre testament, blog de Calliopée - Voyage, Art & Culture.
Reliefs de Borobudur, Paul Gauguin, œuvre testament, blog de Calliopée – Art & Culture

Gauguin peint les corps de ces deux femmes dans des tonalités nettement plus froides que celles que le peintre utilise pour les figures qui les entourent. Quoique l’on puisse remarquer par endroits, sur le cou et la clavicule de la femme de gauche des traces de teintes plus chaudes.
Par contraste, la femme de dos à leur droite donne l’impression d’être coulée dans un bronze. Elle apparaît donc plus massive que ses voisines. Pourtant son visage semble plus vulnérable et innocent en comparaison des regards insistants et des expressions complices et sournoises de ses voisines.

Derrière ce premier groupe

Deux figures habillées de pourpre qui se confient leurs réflexions. Un peu plus loin une figure accroupie, apparait énorme, volontairement et malgré la perspective. Elle lève les bras en l’air et regarde, étonnée, ces deux personnes qui osent penser à leur destinée.

Au centre de la composition

Au milieu se trouve l’élément principal. Une figure cueille un fruit. Placée au centre du tableau, cette figure réclame d’emblée notre attention. Un homme d’apparence jeune a les bras levés au-dessus de sa tête, tendus vers un fruit qui semble suspendu au bord supérieur de la toile et qu’il cueille de sa main gauche. 
Son regard, dirigé vers le haut, accompagne son geste. Bien que ses yeux aient presque l’air d’être fermés. Ils ne sollicitent donc pas le regard du spectateur. Comme son cou puissant et ses bras pesants, sa tête massive se compose de plans géométriques. Les tonalités claires et assombries présentent un étrange aspect de sculpture primitive. Certainement un souvenir de masque d’indiens d’Amérique ou une effigie de l’île de Pâques. Un pagne d’étoffe blanche est noué autour de ses hanches. Probablement, une inspiration d’un dessin de Rembrandt, conservé au Louvre.

Ce faisant, il conjugue la pose de ce dessin à la pesanteur monumentale et délicatement ondoyante de sa figure favorite des reliefs de Borobudur. 

Rembrandt, manière de jeune garçon en pagne, les mains tendus vers une barre. Paul Gauguin, œuvre testament. Blog de Calliopée - Art & Culture
Rembrandt manière de jeune garçon en pagne, les mains tendus vers une barre, Paul Gauguin, œuvre testament

Au second plan

Juste derrière l’homme debout en train de cueillir un fruit, une femme est assise par terre. Elle soutient le poids de son corps en appui sur sa main gauche, elle présente son dos au spectateur. Et, on la voit lever et replier son bras droit au-dessus de sa tête dans un geste de perplexité. Elle observe les deux figures revêtues de longues robes « mission ». Un nimbe entoure les deux personnages. Il donne plus de force à l’idée que ces deux créatures viennent d’un autre monde. 

Deux chats près d’un enfant. Une chèvre blanche, scène du quotidien résolument réaliste dans une œuvre symboliste. L’idole, les deux bras levés mystérieusement et avec rythme semble indiquer l’au-delà. Il s’agit en fait d’une exquise fantaisie statuaire de la déesse Hina à l’allure hiératique, debout sur un piédestal.

Déesse Hina, Paul Gauguin, œuvre testament. Blog de Calliopée - Art & Culture
Déesse Hina, Paul Gauguin, œuvre testament. 

Derrière la figure et attachées à elle, nous apercevons deux grandes auréoles vertes qui font office de mandorles peintes par Paul Gauguin dans cette œuvre testament, comme deux coquillages verts. La figure assise sur ses genoux est dans une sorte d’isolation psychique. Elle semble écouter l’idole.

Puis enfin, à l’extrême gauche:

Une vieille femme est proche de la mort et semble l’accepter. Elle est résignée et ce qu’elle pense participe à nous faire croire qu’ici se termine la légende. 
À ses pieds, se trouve un étrange oiseau blanc. De ses pattes, il emprisonne un lézard qui représente l’inutilité des veines paroles. De désespoir, cette vieille femme tient sa tête entre ses mains et ses yeux sont presque fermés. Son visage est un masque de chagrin résigné. Son corps a pris la couleur du vieux cuir, avec des accents de vert olive et de rouge. Aucune lumière n’en émane, et les ombres soutenues, presque noires sur ses jambes sont la promesse d’une fin proche.

Sa silhouette reproduit la figure de la momie péruvienne que Gauguin avait vue dans les années 1880 et qu’il avait déjà représentée dans une série de travaux traitant de la vie et de la mort, d’Eros et du mal.

"Les misères humaines", Paul Gauguin, œuvre testament. Blog de Calliopée - Art & Culture
« Les misères humaines », Paul Gauguin, œuvre testament. 

 

L’enfant, revêtu d’une robe ou d’un sarrau bleu tient un fruit dans sa main gauche le portant à ses lèvres. Bien que ce fruit soit de la même couleur que celui que l’homme est en train de cueillir, il n’y a à priori aucun lien. On a plutôt l’impression qu’ils existent dans des temps différents

Conclusion:

Vous l’aurez deviné en contemplant ce tableau, que Paul Gauguin nous emmène dans les trois âges de la vie. Thème récurrent chez de nombreux artistes en peinture comme en poésie.

Cette vaste composition de Paul Gauguin constitue le testament spirituel. Il écrira: « Tout se passe au bord d’un ruisseau sous bois. Dans le fond, la mer puis les montagnes de l’île de voisine. Malgré  les passages de ton, l’aspect du paysage est constamment d’un bout à l’autre bleu et vert véronèse. Là-dessus toutes les figures nues se détachent en hardi orangé. »

L’ensemble de l’œuvre de Paul Gauguin influencera de nombreux mouvements et artistes.

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